samedi 2 avril 2011

Bref historique de la mode en France…

La mode se constitue véritablement avec l'invention de la haute couture qui, tout en recrutant sa clientèle parmi les élites classiques, n'a cessé de mettre en scène sa proximité avec la nouvelle aristocratie des artistes. Le créateur de mode réussit à s'imposer comme un « artiste du luxe », selon l'expression de Lipovetsky dans L'Empire de l'éphémère.

Au XIXe siècle, Charles Frédéric Worth invente les mannequins vivants et, au début du XXe siècle, Jeanne Paquin, les défilés de mode. Il existait une vingtaine de maisons de couture à Paris en 1900 (une centaine en 1946, quatorze actuellement après les dernières fusions). Le grand couturier n'est plus un artisan au service de ses clients, il fait partie de leur monde, un monde plus mélangé qui se constitue sous le Second Empire et se cherche une âme en même temps qu'une légitimité. Avec le dandysme, théorisé par Baudelaire, il les trouve : la correction de l'élégance tient lieu de naissance, tant l'esthétique constitue en fait une éthique, inimitable pour celui qui n'est pas déjà un élu.
Au début du XIXe siècle, la confection (le futur prêt-à-porter) apparaît, en même temps que les grands magasins. [Le conseil de LK magazine : relisez Au Bonheur des Dames de Zola…]. La confection popularise la mode, utilise des imitations bon marché de matières nobles. Depuis la création par Yves Saint-Laurent de sa collection Rive gauche, on peut parler d'un prêt-à-porter de luxe, qui n'est pas un simple succédané de la haute couture. La haute couture, qui travaille pour un nombre très réduit de clientes, semble hésiter entre le statut d'art pur et celui d'un outil de promotion pour les accessoires de mode et les parfums.

Coco Chanel : « Je ne fais pas la mode, je suis la mode. ». ©  D.R.

Pour se diffuser, la mode a su faire alliance avec l'image, de l'illustration à la télévision. Coco Chanel conclut en 1930 un accord avec Samuel Goldwyn pour habiller les stars d'United Artists. À partir de 1985, les « top models » deviennent des stars médiatiques.

Démocratisation du vêtement

Après la Seconde guerre mondiale, la production est surtout marquée par l'émancipation du corps de la femme, préparée par Paul Poiret, puis Coco Chanel, l'invention des « jeunes » et l'industrialisation accrue. La démocratisation du vêtement va de pair avec une prolifération des mouvements de mode adolescents, inséparables des courants musicaux. Il n'est plus si facile de réduire la mode au prestige d'une élite définie, serait-ce celle du spectacle, ni au souci de distinction au sens sociologique du terme. L'anglais différencie utilement ce qui est de l'ordre de la mode bourgeoise, ou fashion, et ce qui est vécu comme subversif, ou fad.

Paul Poiret vers 1913, ©  D.R.

Le port de tel ou tel vêtement, de tel ou tel accessoire, devient souvent à la mode après qu'une personnalité (acteur, top model, etc.) l'a porté. C'est ainsi que sont devenues « branchées » de nombreuses façons de se vêtir, à l’instar du :
  • tee-shirt qui s'est rapidement développé après que les acteurs de cinéma John Wayne, Marlon Brando et James Dean en ont porté à la télévision. Le public fut tout d'abord choqué, pour finalement l'accepter avec le temps. Brooke Shields a contribué a lancer la marque Calvin Klein avec sa célèbre phrase : "Savez-vous ce qu'il y a entre mon jean et moi ?"
James Dean portant un tee-shirt, ©  D.R.
  • bikini qui a pris un essor considérable lorsqu'en 1956, Brigitte Bardot le rendit populaire dans le film  Et Dieu… créa la femme dans lequel elle le portait en  tissu « vichy ».
Si le bikini a été créé en 1946 par Louis Réard, c’est Brigitte Bardot qui le popularisa dix ans plus tard, ©  Sam Levin.
  • col roulé qui s'est rapidement développé après que l'acteur de cinéma Noël Coward en a porté.
  • sac conçu par la société Hermès, désormais connu sous le nom de sac Kelly après que la princesse Grace Kelly l'a porté. La photo publiée par la revue Life magazine en 1956 qui montrait Grace Kelly cachant sa grossesse derrière un grand sac Kelly fut à l'origine de ce mythe.
Exposition du sac de Grace Kelly à New-York en 2007 © ZAK Brian/ SIPA

  • top à col roulé présentant un décolleté qui est devenu à la mode après que la Princesse Stéphanie de Monaco s'est fait photographier ainsi vêtue.
Dans les années 1960, l'uniformité était plus manifeste que la volonté de se distinguer, qui sert de grille d'interprétation aux sociologues de la mode, depuis Georg Simmel (1904). Le jean triomphe en France à partir de 1967. Il constitue bientôt l'uniforme de la jeunesse mondiale, garçons comme filles. C'est paradoxalement là une façon de revendiquer l'individualité et la décontraction, en rejetant le vêtement « bourgeois ». Dans les années 1980, la différenciation reprend ses droits : le futur critique d'art télévisuel Hector Obalk (alias Eric Walter), Alain Soral et Alexandre Pasche rencontrent un succès certain en expliquant (avec humour) « aux parents » ces mouvements de mode en concurrence les uns avec les autres. Minets pops, hippies, BCBG, baba cools, punks, New Wave, pirates, etc. Ils dressent une anthologie, restée unique, des différentes modes (vestimentaires et culturelles) de 1964 à 1984. L'ouvrage évoque notamment les normes établies par les parents ou les grands frères : passage du conformisme petit bourgeois des années 1960 à l'anti-conformisme hippy ou gauchiste des années 1970 ; passage de l'anti-conformisme baba au nihilisme punk, puis au culte de l'artificiel New Wave. A lire donc : OBALK (H), PASCHE (A) et SORAL (A), Les mouvements de mode expliqués aux parents. Éditions Robert Laffont, Paris 1983, et Le livre de poche, Paris, 1984.
Mode et Art contemporain

La compétition dans les looks semble cependant s'être calmée au profit de l'éclectisme inspiré de la world music. On notera aussi le succès de la silhouette sportive à l'américaine : survêtement, tee-shirt, casquette et chaussures souples, ainsi que le retour aux éléments de mode des années 80.
Enfin, dans les années 2000, deux tendances semblent s'imposer en parallèle : d'un côté, l'aspect des vêtements tend à devenir moins important que la marque, expression du pouvoir d'achat du consommateur et de l'image ou philosophie de vie auquel il s'identifie. La mondialisation et la concurrence ont entraîné la fusion des groupes de l'industrie de la mode et du luxe et un marketing poussé. Les nécessités liées à la rentabilité et au retour sur investissement ont augmenté le nombre de collections par an, accéléré le roulement des nouveaux produits, tout en faisant et défaisant les modes en très peu de temps. A l'inverse, on a pu observer un rejet de la mode en tant que stigmate de la consommation à outrance, avec le phénomène "No Logo" - en référence à l'ouvrage de Naomi Klein -No Logo: La tyrannie des marques, paru en France en 2001. Cette volonté de résister aux diktats et aux apparences consuméristes s'est notamment illustrée dans le refus de porter des marques aux logos ostentatoires.

La mode contemporaine exprimerait à la fois une certaine attitude grégaire et le rejet de toute appartenance à une catégorie déterminée. L'adolescence est une classe qui n'en est pas une, une classe d'âge éphémère. L'élite des médias semble vivre dans un monde irréel, instable. Il en va de même pour les mannequins.

Exposition Alphabet Concept, Espace Louis Vuitton, à Paris, en 2006, Vanessa Beecroft. © D.R.

Les années 2000 semblent propices au rapprochement de la mode et l'art contemporain. La mode emprunte des références esthétiques et des thématiques développées par les artistes, et joue également un rôle de plus en plus prépondérant dans le financement de leurs oeuvres, via le mécénat et les commandes d'oeuvres (notamment par Bernard Arnault et François Pinault) pour les lancements de boutiques et de produits. Parmi d’autres, la très belle collaboration entre Louis Vuitton et Vanessa Beecroft pour l’exposition Alphabet Concept, qui avait lieu à l'Espace Louis Vuitton, à Paris, en 2006 : Logos LV et Louis Vuitton figurés par les corps nus de jeunes femmes. 

… Et aujourd’hui. Période de crise... 

De plus de plus de personnes poussent la porte des friperies ou troquent leurs vêtements, bijoux et autres accessoires… Ca ne fait plus peur de s’habiller avec de l’ « occas’ ». Les fringues ont désormais plusieurs vies… Et nous, plus de style !

BIBLIOGRAPHIE :

  • Encyclopédie du costume, éditions Albert Morancé
  • BOUCHER (F), Histoire du costume, Flammarion, Paris, 1965
  • DESLANDRES (Y), Le Costume image de l'homme, Albin Michel, Paris, 1976
  • DESLANDRES (Y) et MULLER (F), Histoire de la mode au XXe siècle
  • MULLER (F), Art et Mode au XXe siècle, Éditions Assouline
  • MULLER (F), Baskets, une histoire de la chaussure de ville/de sport, Regard
  • MULLER (F), La mode contemporaine, Éditions Steidl
  • RUPPERT (J), Le Costume,  Flammarion


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