jeudi 30 décembre 2010

Un peu d'histoire...

Le bien-être est un état qui touche à la santé, au plaisir, 
à la réalisation de soi, à l'harmonie avec soi et les autres. 

Etroitement lié à la culture et au développement des sociétés, l'«art de guérir» s'est confondu, pendant des millénaires, avec le merveilleux, les croyances dans le surnaturel, la magie, les religions et les pratiques rituelles. L'histoire de cette discipline est aussi celle des épidémies, des instruments, du diagnostic, de la santé publique, de la réflexion scientifique et des thérapeutiques.
La médecine moderne remonte au milieu du XIX e  siècle, période pendant laquelle les sciences fondamentales ont considérablement fait progresser la connaissance médicale grâce, notamment, au perfectionnement des moyens d'investigation du corps humain. 

Des médecines de l’Antiquité… au XVIIIe siècle

Concernant les médecines de l'Antiquité, on distingue trois époques, dont certaines se chevauchent : celles des médecines dites «primitives» à compter d’environ 2700 av. J.-C. (chinoise, indienne, mésopotamienne, égyptienne) ; celle de l'ère hippocratique et celle de l'ère galénique
 
Hippocrate fixa les règles de l'éthique et de la déontologie médicales, avec notamment la prestation du « Serment ». D.R.

Concernant l'ère hippocratique, à partir du Ve  siècle av. J.-C., les Grecs élaborent différents systèmes philosophiques pour expliquer la survenue des maladies. Jusqu'au XIXe  siècle, les systèmes helléniques influenceront la pensée et la pratique médicale en Occident : Hippocrate de Cos, l'école de Cos, l'école médicale de Cnide, l'école médicale d'Alexandrie, les écoles médicales de Rome.

Concernant l'ère galénique, Claude Galien est, après Hippocrate, le deuxième grand médecin de l'Antiquité. L'influence de son œuvre s'étend sur quinze siècles et couvre tout le Moyen-Âge. Sur les 500 ouvrages qu'il a rédigés, seuls 83 nous sont parvenus, notamment ceux qui concernent l'anatomie, la pathologie et la physiologie. 

Le Moyen-Âge...

Après l'effondrement de l'Empire romain d'Occident, l'enseignement de la médecine n'est plus dispensé, les écrits des auteurs antiques sont perdus ou dispersés, et la pratique devient le domaine réservé des moines. L'Eglise s'approprie entièrement la pratique médicale, interdit les dissections sous peine d'excommunication, attribue le nom d'un saint à la plupart des maladies, instaure l'application des reliques comme thérapeutique et refuse que le corps humain soit exploré, craignant de troubler l'ordre divin.  
 
Aux Ve et VIe  siècles, Constantinople a remplacé Alexandrie, et quelques rares médecins émergent par leurs écrits : Oribase rédige une collection médicale en 70 volumes, sorte de compilation du savoir médical de l'époque ; Alexandre de Tralles compose un traité de pathologie interne en 12 livres ; Paul d'Egine résume sa pratique chirurgicale et obstétricale dans un abrégé de médecine en 7 volumes. Ces trois auteurs sont étudiés jusqu'au XVIIIe  siècle par les étudiants de la faculté de médecine de Paris.
Plusieurs événements expliquent le renouveau progressif de la médecine à la fin du Moyen-Âge : la fondation des universités médiévales ; la traduction de l'arabe au latin, par les médecins juifs et les chrétiens de Syrie, des traités « perdus » des auteurs de l'Antiquité ; l'implantation d'établissements hospitaliers pour accueillir lépreux, pestiférés et malades mentaux ; enfin, l'émergence des médecins arabes, dont les œuvres originales constituent la seule innovation médicale au Moyen-Âge.
 
Deux grands événements allaient marquer la Renaissance : l'invention de l'imprimerie et la découverte du Nouveau Monde (1492). L'«esprit renaissant», c'est avant tout la liberté de penser, l'indépendance d'esprit, le jugement individuel, le réveil de la culture et le rejet des systèmes hérités du Moyen-Âge.
En inventant les caractères mobiles métalliques, en 1455, Gutenberg donne au livre - et au savoir - un caractère universel. Le temps des manuscrits réservés aux seuls clercs ou aux bibliothèques universitaires est révolu : la connaissance médicale peut désormais sortir du cercle restreint des initiés. Le premier livre médical imprimé, à Mayence, en 1457, est un calendrier des purgations.
La découverte de l'Amérique apporte son lot d'épidémies nouvelles provoquées par des échanges microbiens mortels entre deux niches écologiques, celles des populations de l'Ancien et du Nouveau Monde, séparées depuis des millénaires. 

Etude anatomique du foetus dans l'utérus, par Léonard de Vinci (1510-1513), Plume, encre sur papier. Cette célèbre étude montre un foetus âgé de 4 mois ; outre l'image de la position foetale, il cherche à visualiser la constitution du placenta. D.R.

Étude sur les mouvements fait par le biceps, par Léonard de Vinci, vers 1510.

La première dissection publique est autorisée à Paris vers 1478 ; Léonard de Vinci dissèque une trentaine de cadavres et réalise de remarquables dessins, qui ne seront publiés qu'au XVIIe siècle. 

De humani corporis fabrica (1543) : ouvrage d’André Vésale (nomenclature des os, muscles et vaisseaux).
 André Vésale crée une nomenclature des os, des muscles et des vaisseaux dans son célèbre ouvrage De humani corporis fabrica libri septem, paru à Bâle en 1543. À la suite de ceux de Vésale, de nombreux travaux bouleversent la connaissance anatomique : Charles Estienne, Michel Servet, Gabriel Fallope, Bartolomeo Eustachi ou André Césalpin.

Ambroise Paré
La chirurgie bénéficie des progrès de l'anatomie et, indirectement, du développement des armes à feu, qui occasionnent des plaies très délabrantes. Ambroise Paré, chirurgien de quatre rois de France, abandonne la cautérisation des plaies au fer rouge et préconise la ligature artérielle.
Alors que les anatomistes achèvent de décrire le corps humain, la biologie va bénéficier d'une innovation majeure, le microscope, et de deux grandes découvertes: la circulation sanguine et les processus de la fécondation. Sanctorius (Santorio Santorio, 1561-1636) est l'un des premiers à vouloir appliquer à la médecine les connaissances de la physique: il se sert du thermomètre, de la balance et du pulsomètre, instruments qui ne seront pas utilisés, en pratique médicale courante, avant la fin du XIX e  siècle!  

Beaucoup de médecins, en accord avec la théorie mécanique de Descartes, comparent le corps humain à une machine.
 
Certains produits nouveaux sont très en vogue, comme l'ipéca (vomitif), le thé et le café (deux nouveaux psychotoniques) et surtout le quinquina (fébrifuge rapporté du Pérou).
La médecine du siècle des Lumières, tout en s'acheminant vers la «modernité», reste entachée d'archaïsmes. 

Deux nouvelles théories font leur apparition: le vitalisme et l'animisme. La première doctrine prend naissance à Montpellier avec Théophile de Bordeu et Paul Joseph Barthez, qui considèrent que le corps humain est animé par un « élan vital » impossible à matérialiser mais dont l'altération provoque la maladie. Les animistes comme Georg Ernst Stahl pensent que, à l'intérieur du corps, les échanges sont réglés par une « âme sensible » qui s'oppose à la mort. De ces théories confuses allaient naître de nombreux systèmes de classification des maladies en espèces, classes, sous-espèces - catégories déjà utilisées en botanique, en zoologie ou en chimie. Les nosologies de François Boissier de Sauvages, de William Cullen et de Philippe Pinel sont parmi les plus célèbres.  
 
La médecine au XIXe siècle

Tandis que la médecine se détache définitivement de la philosophie pour entrer dans l'ère moderne, la somme des connaissances et des découvertes médicales acquises entre 1800 et 1895 dépasse celle qui a été accumulée pendant les millénaires antérieurs. La clinique, la chirurgie et la physiologie progressent à pas de géant, laissant toujours à la traîne la thérapeutique, qui devra attendre le XX e  siècle pour devenir crédible. Pourtant, en moins d'un siècle, l'examen clinique, l'anesthésie, l'antisepsie, la bactériologie et, enfin, la radiologie bouleversent le pronostic médical et permettent d'allonger l'espérance de vie.   

Tableau d'Albert Edelfelt (1854-1905) représentant Louis Pasteur actuellement exposé dans la salle Symbolisme du Musée d'Orsay (Paris). Le tableau date de 1885 et a été acquis par le Service d'achat aux artistes vivants en 1886. Dans cette représentation, Pasteur observe dans un bocal une moelle épinière de lapin enragé, suspendue en train de se dessécher au-dessus de cristaux de potasse. C'est le processus qui a permis d'obtenir le vaccin contre la rage.

En 1877, Louis Pasteur commence ses travaux sur le rôle des «microbes» dans la survenue des maladies infectieuses. Le savant est déjà célèbre, car ses études sur la fermentation, le vin, la bière, le vinaigre, la «pasteurisation» et les maladies des vers à soie se rapportent directement à la vie quotidienne des Français. Pasteur a abattu définitivement le mythe millénaire de la «génération spontanée» et démontre que le choléra des poules est bien une maladie contagieuse provoquée par une bactérie. N'étant ni médecin ni vétérinaire, il devra batailler ferme pour faire admettre, en 1878, sa théorie des germes et ses applications à la médecine et à la chirurgie aux membres de l'Académie de médecine de Paris. Pasteur isole le staphylocoque (1878), le streptocoque (1879) et prépare le premier vaccin humain à virulence atténuée contre la rage (1885).  

La médecine du XXe siècle

Au cours des siècles, le savoir médical s'est progressivement déplacé du macrocosme vers l'exploration du microcosme. Des théories philosophiques de l'Antiquité aux descriptions anatomiques de la Renaissance, en passant par l'étude des organes et de leur fonction, puis à la physiopathologie tissulaire et cellulaire, la médecine est désormais en mesure de déceler des variations biologiques à l'échelle moléculaire. Le XX e  siècle a encore reculé les limites de l'investigation humaine grâce à la multiplication des examens complémentaires, qui autorisent une approche de plus en plus sélective des processus pathologiques pouvant ne concerner qu'un seul élément de la cellule (organites, noyau, membranes).  

La thérapeutique est la seconde bénéficiaire de cette remarquable avancée scientifique, car les traitements (médicaux et chirurgicaux) peuvent eux aussi être imaginés à l'échelle de la molécule, du gène ou de la cellule, même si la limite entre physiologie et pathologie est de plus en plus difficile à discerner. L'acte médical apporte aujourd'hui, le plus souvent, une réponse efficace à la souffrance et à la demande du patient en s'appuyant sur l'investigation scientifique, quelquefois au détriment de la relation humaine entre médecin et malade. Les découvertes et les innovations du XX e  siècle sont si nombreuses qu'il est difficile de les recenser de façon exhaustive - comme il est souvent impossible pour l'historien de désigner avec certitude l'équipe de chercheurs effectivement responsable de telle ou telle découverte.  
 
La psychiatrie est marquée par l'apparition des neuroleptiques dans les années 1950; l'endocrinologie, par celle de l'insuline (1924) et de la cortisone (1948); la cancérologie, par l'hormonothérapie, dans les cancers de la prostate (1940), et les antimitotiques, qui empêchent la multiplication des cellules (dans les années 1970). Enfin, parmi les innovations thérapeutiques récentes peuvent être cités le rein artificiel (Kolff et Merill, 1944), la stéréotaxie en neurochirurgie intracrânienne (Spiegel, 1947), l'exsanguino-transfusion (Tzanck et Bessis, 1948), la prothèse de hanche en acrylique (Judet, 1950), le respirateur artificiel (Engstrom, 1952), la vaccination antipoliomyélitique (Salk puis Sabin, 1954), la circulation extracorporelle (Lillehei, 1953).

La médecine du IIIe millénaire

L'espérance de vie de l'homme médiéval était de 25 ans, elle avoisine aujourd'hui les 80 ans dans les pays occidentaux. Ce constat est cependant terni par les disparités criantes entre les nations, ce qu'essaie de combattre l'Organisation mondiale de la santé (OMS), fondée en 1948. Si la variole a été éradiquée de la planète, de nouvelles infections sont apparues, comme le sida, qui implique la concentration de gros efforts de recherche sur la structure intime des virus, les processus immunitaires et les molécules antivirales.
En effet, des maladies nouvelles ne cessent d'apparaître, en raison des modifications que l'homme apporte à son environnement et à son mode de vie; sans compter, bien entendu, l'évolution propre des organismes pathogènes. Si l'espérance de vie s'allonge encore dans les années à venir, ce sera grâce aux technologies nouvelles, comme le laser, l'assistance par ordinateur, l'imagerie médicale et les biomatériaux, qui permettent de remplacer un tissu lésé, voire un organe malade. 

L&K

Pour en savoir plus :
AYACHE (L), Hippocrate, PUF. Collection Que sais-je ? Paris, 1992
MORAUX (P), Galien de Pergame. Souvenirs d'un médecin, Editions Belles Lettres, collection « Études anciennes grecques, Paris, 1985
NICHOLL (C), Léonard de Vinci-Biographie, Actes Sud, Arles, 2006, 704 pp.
DELAVAULT (R), André Vésale (1514-1564), Éditions Le Cri, Bruxelles, 1999.
DELACOMPTEE (J.-M.), Ambroise Paré. La main savante, Gallimard, 2007.
PERROT (A) et SCHWARTZ (M), Pasteur, des microbes au vaccin, Casterman/Institut Pasteur, 1999.

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