L'expression « art contemporain » est utilisée habituellement pour désigner les pratiques et réalisations d'artistes revendiquant « une avancée dans la progression des avant-gardes » (in Heinich (N), « L'art contemporain est-il une sociologie ? » p. 63 in Grand Dictionnaire de la philosophie, sous la direction de Michel Blay, Larousse - CNRS Éditions, 2003). L'expression s'applique également aux musées, institutions, galeries montrant les œuvres de ces artistes. On parle également d'art contemporain pour désigner, par convention, l'art des années 1960 et après (le Pop Art marquerait, de ce fait, une rupture par rapport à l'art moderne - in Catherine Millet, L'Art contemporain, Flammarion, collection Dominos, 1997).
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Brushstroke,1996, sculpture de Roy Lichtenstein, au musée Reina Sofía, Madrid, D.R. |
Difficile à définir...
La notion de « contemporain » est d’abord une notion historique. Une difficulté résiderait aussi pour le profane dans le fait que moderne et contemporain peuvent être, dans le langage courant, considérés comme synonymes. Cette difficulté est accentuée par le fait que, dans le langage des historiens, les termes « moderne » et « contemporain » correspondent à des époques autres : époque moderne de la Renaissance à la Révolution, époque contemporaine de la Révolution à aujourd’hui. De ce point de vue, l'art contemporain commencerait à partir de 1945, avec la fin de la Seconde guerre mondiale.
À partir de 1972, certains parlent d'« art actuel » ou d'« art vivant » marquant une scission avec le pluralisme des mouvements.
La notion de « contemporain » signifie également simultanéité entre deux choses. Donc est contemporain ce qui est dans le même temps que le sujet. L’art contemporain serait donc l'art qui se fait aujourd'hui.
Mais, appliquée à l’art, cette notion, sans perdre son caractère historique, revêt aussi un caractère esthétique. Ce caractère devient polémique, puisque les acteurs n’ont pas le recul nécessaire pour effectivement apprécier les œuvres.
La désignation « art contemporain » ne doit donc pas uniquement être prise au sens chronologique, car toutes les productions contemporaines n'appartiennent pas à l'art contemporain, ni ne se revendiquent de l'art contemporain.
De nouveaux critères permettent de définir ce qu'est l'art contemporain. Un des premiers est la transgression vis-à-vis du passé ; ainsi l'art contemporain voudrait affirmer son indépendance non seulement par rapport aux arts dits « classiques », aux « beaux-arts » et à ses catégories (peinture, sculpture, etc.), mais aussi face à l'art moderne.
L'art contemporain possède donc en lui-même de nécessaires partis-pris. Il s’inscrit à la suite de l’art moderne et voudrait mettre, en quelque sorte, fin à celui-ci.
Par commodité, la plupart des ouvrages, lorsqu’ils évoquent l’art contemporain, traitent de la période qui débute en 1945 et va jusqu'à nos jours, avec le déplacement de différents lieux artistiques médiatisés, essentiellement occidentaux jusqu'à ces dernières années, de Paris ou Londres vers New York. Avec la chute du mur de Berlin, en 1989, et la montée en puissance de la Chine dans le même temps, le monde de l'art contemporain s'est... mondialisé, l'Afrique et l'Amérique latine n'échappant pas à ce mouvement.
Régulièrement, l'expression « art contemporain » n'est aussi utilisée que pour des artistes encore vivants et actifs ou pouvant encore l'être, ce qui placerait le début de l'art contemporain dans les années 1960, avec le Pop Art et Fluxus. C'est avec ces mouvements artistiques que prendrait fin l'art moderne et la théorie de Clement Greenberg qui le définissait comme la recherche de la spécificité du médium.
Dans cette recherche permanente d'une définition du contemporain, la critique d'art et les institutions jouent un rôle de premier plan. Ainsi, sont généralement exclues de l'art contemporain « labellisé », les formes d'art dont la démarche ou les problématiques ne reflètent plus les tendances promues par la critique « contemporaine ».
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Détail de la sculpture « LOVE » de Robert Indiana au LOVE Park de Philadelphie
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Quelles sont les origines de l'art contemporain ?
L'apparition de la photographie a exercé une influence sur de nombreux artistes dès le XIXe siècle, tel que Degas et permis de donner naissance à l'art moderne. L'art n'a plus uniquement pour fonction importante de représenter fidèlement le réel, la photographie est mieux à même de le faire, l'art peut désormais s'essayer à d'autres formes, casser les canons de la beauté, et proposer des expérimentations nouvelles et des idées conceptuelles.
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Voiture cimentée, une œuvre de Wolf Vostell, Malpartida de Cáceres, Espagne, 1960. |
L'art contemporain a pour fondement les expérimentations de l'art moderne (début XXe siècle), et notamment le désir de sortir l'art des lieux traditionnels et institutionnels. En ce sens, l'art perd peu à peu de sa fonctionnalité représentative. La création contemporaine demeure un miroir pour une réalité baignée des conflits et des prises de pouvoir qu’occasionnent ces attaques contre la rationalité. L'art reflète les crises de la société et demeure le lieu d'expression des valeurs. Les rapports de l’art à l’histoire ne s’évaluent ni qualitativement ni quantitativement, mais ils débouchent sur une conception plus institutionnelle de l'art : collectionneurs, sièges sociaux, galeries ou encore musées pour s'ouvrir à un plus large public. Cependant, les acteurs de l'art moderne dans leur volonté d'exprimer leur opinion artistique hors des cadres institutionnels pour s'adresser au public, restent liés aux institutions ; leur démarche était de s'opposer à une idéologie (Heartfield envers le nazisme) ou au contraire de participer à la propagation d'une pensée politique.
Malgré la fin des idéologies imposées dans l'art moderne, les artistes actuels reprennent cet héritage à leur compte en exprimant leur engagement profond par rapport aux institutions. Notamment, lorsque leur sensibilité y est perturbée.
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Scarifications Art, une œuvre de Dominique Mulhem, Seven Seventy Gallery. |
Aujourd'hui, l'art contemporain subit le déclin des idéologies du moderne (dans les années 1960, puis à partir de 1990 avec la chute du communisme) ; il se fonde sur de nouveaux comportements : renouveau stylistique, brassages artistiques, origines diverses, arts technologiques (accès à la puissance mathématique des ordinateurs et ergonomie des logiciels), mode d'approche de la réalité. Les technologies ont toujours apporté des outils à l'art. Aujourd'hui, l'artiste s'en sert comme d'un instrument de médiatisation, et en invente de nouveaux. Il se base sur la culture historique, répertoriée ; lit, visite, comprend, cherche, se spécialise, focalise son sujet et dépasse ce qui a été fait. Il prend position parfois, se veut démonstratif ou choquant, en tout cas il cherche la médiatisation.
Des « Beaux-Arts » aux arts plastiques
L'art contemporain a pour fondement les expérimentations de l'art moderne, et revendique régulièrement la brèche ouverte par Marcel Duchamp, et d'autres qui avaient libéré la pratique de l'art des contraintes classiques de représentation.
La pensée postmoderniste a formulé la plupart des problématiques inhérentes à l'art contemporain, affranchie des courants idéologiques (communisme et capitalisme), sans toutefois empêcher des artistes engagés de critiquer les abus politiques ou idéologiques.
En France, la création des facultés d'arts plastiques constitue une base de contestation de l'enseignement académique des Beaux-Arts ; des matières autrefois étrangères au champ de l'enseignement de l'art, sociologie, ethnologie, esthétique et autres, orientent la recherche artistique au diapason de ses évolutions récentes.
À la recherche formelle du "Beau" succèdent des voies de recherches esthétiques nouvelles, dont les plus radicales, art conceptuel, minimalisme, performance, art corporel, modifient durablement la signification et la perception de l'art, qui s'oriente parfois dans des voies à première vue hermétiques aux non-initiés.
Certains courants, tels les nouveaux réalistes, la figuration libre et la trans-avant-garde, ainsi que certains francs-tireurs, ne quittent toutefois pas les médiums classiques, tout en modifiant radicalement leurs démarches créatives.
L'éclatement des types de médium (la peinture est souvent délaissée au profit d'installations, de performances ou autres) et du contenu des œuvres modifie en profondeur les réseaux de médiation d'art ; à de nouvelles galeries s'ajoutent des contextes d'exposition nouveaux et l'apparition de nouveaux médiums de diffusion.
À Paris, le Salon Comparaisons, au musée d'Art moderne de la ville de Paris, constitue dès 1954, le point de rencontre de tous les exposants de ces courants, confrontés, dans le même espace, aux peintres figuratifs et abstraits de la peinture sur chevalet.
L'art contemporain à l'ère de la globalisation
À partir des
années 1980, les arts à forte composante « technologique » font leur apparition, avec l'
art vidéo, l'esthétique de la communication, l'
art informatique puis, par la suite, l'
art numérique, le
bio-art, etc. La liste est non exhaustive et suit de très près les avancées de la recherche industrielle.
Dans les
années 1990, l'art contemporain occidental a accordé son « label » à de nombreux artistes issus des pays dits « en voie de développement », à peu près absents autrefois. Les paradigmes de la globalisation et la perte des repères spatio-temporels classiques ont valorisé les modes d'approche personnels, ou les composantes biographiques, sociologiques, voire religieuses, sont valorisées au sein des démarches de travail.
La communication liée à l'
internet joue un rôle de plus en plus important dans la réception et la médiation de l'art contemporain, en amont des expositions elles-mêmes, qui intègrent de plus en plus les structures de médiation étatiques. Les changements survenus au sein des pays les plus développés (notamment la part grandissante du
tertiaire) ont suscité un besoin de plus en plus généralisé d'art, ce qui ne rend pas la tâche des artistes, crise oblige, plus facile pour autant.
L'art contemporain, s'il reste souvent obscur ou provocant aux yeux du grand public, est aujourd'hui bien plus accepté et répandu qu'auparavant ; un déferlement de travaux de qualités inégales le rend déroutant et requiert le plus souvent un investissement personnel de la part du public.
Cotées sur internet, les œuvres d'art contemporain sont aussi une manne financière potentielle, qui n'excluent pas les
effets de mode au détriment des travaux réellement originaux.
Bibliographie : 2004 :
- Couturier (E), L'Art contemporain, mode d'emploi, édition Filipacchi.
- Le Thorel-Daviot (P), Nouveau Dictionnaire des artistes contemporains, éd. Larousse
- Blanchy (L), L'Art contemporain dans les lieux de culte, édition Complicités.
2005 : Sourgins (C), Les Mirages de l’art contemporain, Christine Sourgins, édition La Table Ronde.
2007 : de Kerros (A), L'Art caché : les dissidents de l'art contemporain, édition Eyrolles.
2008 : Danchin (L), Pour un art postcontemporain, édition lelivredart.