dimanche 1 mai 2011

Jason de Caires Tayor, un artiste qui s'investit dans la cause écologique

Les artistes participent à leur façon à la préservation de l’environnement mondial, tout en faisant valoir le beau à travers leurs réalisations. Jason de Caires Taylor en est un très bel exemple. Diplômé de l'institut des Arts de Londres, il a su exploiter sa passion pour la plongée sous-marine en explorant la relation entre l'art et l'environnement. Sa particularité est de créer des sculptures qui seront vues au fond de l’eau par les plongeurs.

Jason de Caires Taylor en pleine création, DR
Jason de Caires entouré de ses sculptures sous-marines, D.R

Sa renommée internationale s’est affirmée en mai 2006 quand il a créé la première sculpture sous-marine au monde à Grenade, aux Antilles, générant des commandes aussi bien privées que publiques.

Vicissitudes, D.R

Vicissitudes

Mais l’installation qui lui a permis de développer son travail et de passer un message de lutte contre l’homme, le tourisme de masse ou les typhons est sans aucun doute L’Evolution silencieuse. Ayant travaillé dans la scénographie, l'installation et le montage de scène de concert, Jason de Caires Taylor maitrise l'usage des grues, des élévateurs et la logistique de projets à grande échelle.

L'installation de The Silent Evolution
L'installation de The Silent Evolution

Il a donc su sans aucun problème, placer 400 statues de taille humaine à 9 mètres au fond de la mer des Caraïbes, devant la station balnéaire mexicaine de Cancùn. En complément des études de faisabilité, Jason de Caires Taylor a dû chercher des modèles dans la rue. Fabriquées en fibre de verre ou en ciment, les statues représentent entre autres un enfant au regard perdu, une femme enceinte, un homme âgé… Son ouvrage est bien entendu soumis au changement perpétuel, la nature faisant son œuvre avec le temps. Et c’est le but recherché ! La nature finit par naturellement reprendre ses droits, le corail se développe sur les sculptures en créant des formes étranges et poétiques, les algues et anémones structurent les contours de ces réalisations humaines. Ce musée d’un nouveau genre est évolutif, l’artiste et la nature agissent ensemble dans la création de ses sculptures.

Ses sculptures sont soumises aux lois de la nature, D.R

L'enfant au regard perdu, D.R

Une femme enceinte, D.R

La mise en place du musée sous-marin de Cancún a nécessité une dépense à hauteur de 250 000 dollars, 183 000 euros environ. Une dépense pour la bonne cause !

Jason de Caires Taylor espère que son musée sous-marin va contribuer à la préservation de l’écosystème en régulant la pratique de la plongée sous-marine dans le secteur, sans pour autant décevoir les touristes visitant la Riviera-Maya pour se divertir. Anglais par son père et Guyanais par sa mère, cet artiste sculpteur a longtemps vécu en Malaisie où il a côtoyé les récifs de corail aujourd’hui menacés : 70 % des coraux dans le monde pourraient avoir disparu en 2050 s’ils ne sont pas mieux protégés. C’est pour sensibiliser les hommes à la cause des coraux que cet artiste a imaginé un manifeste écologique et artistique sous l’eau.

Une de ses sculptures dans une de nos postures quotidiennes, D.R

The Lost Correspondant - Perdu au fond des mers, le correspondant de presse devient une relique, un fossile dans un monde oublié. L'actualité fait-elle déjà partie du passé ? Nos outils de communication, aussi performant soient-ils, restent-ils incapables de saisir le temps présent ?, D.R
Une de ses sculptures dans une de nos postures quotidiennes, D.R

Sans prétention, le sculpteur soutient avoir réuni, jusqu’à présent, la collection sous-marine de sculptures contemporaines la plus conséquente au monde.

Entretien avec Jason de Caires Taylor, propos recueillis par François Rébufat (mars 2008)
« A l'origine se trouve une relation symbiotique. Relation entre la matière inerte et les organismes marins. Nombreuses sont les espèces sous-marines qui dépendent de ces relations symbiotiques. Je voulais illustrer ces processus. Les coraux nécessitent des substrats solides pour s'installer et se développer et j'ai besoin d'eux pour insuffler la vie à des objets inanimés. La colonisation des sculptures par les organismes marins est donc partie intégrante des œuvres. J'aimerais aussi montrer que l'homme a la possibilité de transformer et réorienter les chemins que prend la nature, et cela, d'une façon positive. En montrant la beauté et la diversité de l'environnement marin, j'espère que mon travail trouvera une audience plus large que celle des seuls plongeurs passionnés par ce milieu. Je voudrais exprimer la joie que m'inspire les écosystèmes marins, mais aussi sensibiliser sur les périls qui les menacent.Certaines sculptures sont des structures de métal. Elles servent de trame à la nature qui en devient la substance. Le travail est finalement réalisé par des milliers d'organismes marins qui habitent la sculpture. L'œuvre acquière sa substance physique par cette colonisation de la même manière que le personnage d'un livre acquière sa substance grâce à l'imagination du lecteur. J'ai voulu montrer comment l'homme a un rôle à un instant donné et à une place donnée dans l'évolution de notre monde. J'aime aussi l'idée que le métal se décompose, apportant une certaine beauté à l'objet. »

Jason de Caires Taylor travaille sur une de ses sculptures, D.R

D.R

 « Sous l'eau, les visiteurs évoluent dans un univers délivré de cette pesanteur qui nous raccroche au sol. En se déplaçant librement dans l'espace aquatique, ils rencontrent l'œuvre sous de multiples angles, peuvent la toucher, et s'approprier les scènes pour inventer leurs propres sensations. L'implication personnelle est ici plus forte que dans une galerie d'art traditionnelle où les personnes se sentent généralement inhibées par le cadre. L'eau est un médium malléable au travers duquel le visiteur est actif dans son rapport à l'œuvre. Je pense qu'ainsi, mon travail s'adresse à un public varié, chacun pouvant l'apprécier pour des raisons qui lui sont propres. Cette visite étant différente pour chacun, l'expérience en est aussi unique. Comme les scènes évoluent en fonction de la colonisation par les organismes marins, la lumière, ou l'ensablement du aux courants, chaque rencontre est aussi une expérience unique et temporaire où le visiteur a juste le temps d'entrevoir un aspect de l'œuvre. Son imagination se charge d'inventer le reste : d'autres conditions, le passé, le futur… Le terme d'expérience archéologique revient souvent. 

J'essaie le plus possible de placer les sculptures de sorte qu'elles puissent être vues sous de multiples angles, à une faible profondeur pour favoriser les jeux de lumière kaléidoscopique et rendre les sculptures accessibles au plus grand nombre.

« Pour Vicissitudes, ce sont des enfants de toutes origines qui se tiennent en cercle. Les enfants sont influencés par leur environnement qui les imprègne, les marques. Ils s'y s'adaptent naturellement et en deviennent des membres à part entière. Dans cette relation entre l'enfance et le monde dans lequel elle évolue, j'ai voulu mettre en évidence l'importance de fournir à ces enfants un environnement durable et vivable… un espace pour les générations futures. L'interaction est aussi soulignée. Les sculptures sont transformées par la vie marine et ces changements influencent celle-ci. Cette symbolique renvoie aux transformations qui s'opèrent lorsqu'on grandit. Les interactions sociales structurent ce processus. Tout en étant les produits d'une société, en grandissant, nous changeons la dynamique de cette dernière. 

Le cercle symbolise la vie, l'unité et dissipe les forces marines, comme les courants puissants présents sur ce site. Le monde sous-marin offre aussi un espace détaché du monde terrestre, plus paisible. En tant qu'homme, nous avons passé les neuf premiers mois de notre vie plongés dans l'élément liquide. M'aventurer sous la mer m'offre cette réminiscence. »

Vicissitudes, D.R

« Nous sommes toujours à la recherche de réponses ultimes, de définitions et de catégorisations finales, alors que la nature de notre existence est organique, éphémère et entropique. La seule chose stable dans notre vie reste le changement. La joie, la tristesse, l'amour ou le désir ne sont que des états temporaires rencontrés sur le chemin de la vie. Plus j'ai essayé de pourchasser ces moments, de les capturer, plus ils se sont montrés insaisissables.
Les sculptures servent traditionnellement à commémorer un événement, une époque, un lieu particulier, figé. Je souhaite que mes œuvres renvoient le visiteur au présent, car en se transformant perpétuellement et en redessinant continuellement le paysage sous-marin, elles ne figent rien ni dans le temps, ni dans l'espace. »

Une de ses dernières créations
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Une de ses dernières créations


1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je souhaiterais savoir comment s'y prend l'artiste pour sculpter ses œuvres en fibre de verre et en béton.